Taux d’utilisation des surfaces interactives dans les classes
Depuis 1991, plusieurs millions de tableaux interactifs ont été installés dans des salles de classe. La répartition de ces solutions est cependant très loin d’être homogène. Certains pays ont beaucoup investi dans ces technologies et d’autres ont tardé à prendre le train.
On trouve à gauche de ce graphique, sans surprise, les pays du nord de l’Europe et les pays où les nouvelles technologies sont intégrées dans le mode de vie. En bleu, on trouve le pourcentage de salle de classe équipée pour 2013 et en blanc la prospective pour 2018. On remarquera que même les pays massivement équipés continuent l’équipement. L’exemple de la Turquie montre les possibilités offertes par un plan d’équipement décidé à l’échelle de la nation. Sur le même sujet, découvrez pourquoi le tableau interactif a de la cote en Europe ?
En fonction de l’organisation des systèmes scolaires, il y a donc une importante hétérogénéité entre les pays. Le Royaume-Uni, pionnier de ces équipements est depuis plusieurs années, dans un marché de renouvellement. Toutes ses salles de classe sont équipées, y compris celles d’enseignants qui ne veulent pas entendre parler de ces technologies. À ce sujet, il convient de faire une petite remarque sur le processus d’adoption d’une nouveauté technologique.
Une courbe sur le taux d’utilisation des surfaces interactives pour mieux comprendre
La courbe ci-dessus représente la courbe d’adoption d’un nouvel objet technologique, telle que décrite par Everett Rogers. Cette courbe montre comment les différents profils de personnalités s’approprient la nouveauté.
Les innovateurs sont toujours à l’affût de ce qui est nouveau, ils adopteront donc la nouveauté tout de suite. Les adopteurs précoces suivront assez rapidement si l’intérêt suscité dans les premiers cercles est suffisant. Viennent ensuite les pragmatiques du changement, prêts à adopter la nouveauté s’ils en perçoivent les avantages. Beaucoup d’innovations n’atteignent pas ce stade et tombent dans l’oubli, à tel point que Geoffrey Moore a rajouté un élément à la courbe de Rogers, le « Gouffre de Moore » qui symbolise toutes ces innovations qui passent à la trappe sans avoir été adoptées. Cela a été le cas, par exemple, du Bi-Bop, un téléphone portable qui ne fonctionnait que près de bornes aménagées, ce qui a conduit à son rapide déclin.
Les pragmatiques de la continuité tendent à conserver leur mode de fonctionnement et il faut les convaincre de l’intérêt de l’innovation pour qu’ils acceptent, plus ou moins facilement d’utiliser la nouveauté. Les résistants, enfin, sont réfractaires à tout changement et refusent par principe toute innovation.
Au Royaume-Uni où toutes les salles de classe sont équipées, des tableaux se trouvent dans des classes de réfractaires. On fait donc apparaître dans les études, que certains matériels ne sont pas utilisés, études dont s’emparent ensuite de façon militante les pragmatiques de la continuité pour justifier leur immobilisme. Un exemple frappant est celui de l’utilisation des recherches de Thierry Karsenti pour dénigrer l’outil, en ne retenant que les « défis » et les cas de non-utilisation évoqués par ce chercheur, alors que ces travaux démontrent au contraire l’intérêt et qu’ils émettent des préconisations en terme de formation par exemple, pour éviter les échecs constatés.
Quelles solutions pour un meilleur usage ?
Avec le recul, on sait maintenant ce qui est intéressant pour faciliter la mise en place de ces solutions. Le facteur le plus stratégique est la formation. On pouvait s’en dispenser lorsque seuls les innovateurs étaient équipés, mais au fur et à mesure du déploiement, la formation devient impérative. C’est pourtant le parent pauvre des opérations d’équipement. De plus, même quand cette formation est prévue, elle se limite trop souvent à une présentation des possibilités, voire à une simple mise en fonction. Dans le domaine de la pédagogie, c’est bien une formation en pédagogie qui est à prévoir.
Un autre point essentiel est la qualité du matériel mis à disposition. Bien souvent, on oublie que les enseignants sont des professionnels qui doivent, toute la journée, tenir en haleine, une trentaine d’élèves, élèves, toujours prêts à manifester leur « supériorité » technologique en cas de problème. Au Royaume-Uni, les vidéoprojecteurs posés sur les tables sont tout simplement interdits. Cela a permis la mise en place de meilleures conditions d’utilisation tout en assurant une meilleure sécurité des matériels. En France, aujourd’hui encore, on pose l’ordinateur portable et le vidéoprojecteur sur la petite sellette conçue à l’origine pour le projecteur de diapositives… Des câbles traversent la classe risquant de provoquer des chutes d’élèves ou de matériel. Ces choix hasardeux viennent généralement d’un souci d’économie et de la volonté de démocratie. C’est-à-dire que l’on demande à l’innovateur et au résistant de partager le même équipement. L’innovateur sera donc très rapidement le seul utilisateur, mais d’un équipement fastidieux à mettre en œuvre, ce qui limitera l’effet d’entraînement sur les pragmatiques alors qu’un enseignant doté d’une solution pratique fait souvent tache d’huile dans son établissement et rapidement, toutes les classes sont équipées par une collectivité heureuse de voir la bonne efficacité de leur investissement.
Et le futur ?
De même que la France a fini par abandonner le Minitel pour adopter Internet, il est probable que la généralisation de ces équipements se fera dans quelques années dans les salles de classe du monde entier. Cependant, d’après notre dernière étude, la France serait le vilain petit canard de la culture de collaboration. Après tout, le tableau noir (devenu vert puis blanc) n’est que rarement mis en question dans les classes, pourtant, son utilisation n’a que 200 ans…
On pourrait inférer que l’arrivée de solutions tactiles individuelles peut remplacer les tableaux interactifs. Ce serait une énorme erreur, aussi importante que de dire que le tableau standard peut être remplacé par le manuel et le cahier.
En revanche, ce qui peut être remplacé, c’est le manuel papier et le cahier par des tablettes et le tableau à feutres ou craies par des TBI. Certains états américains ont rendu l’écriture manuscrite facultative à l’école, ont interdit les manuels papier, dans 20 ans, cet exemple sera peut-être la norme.
Cette évolution est déjà en marche dans beaucoup de pays. Par exemple, aux États-Unis au Canada et en Finlande, on trouve de plus en plus de classes équipées de plusieurs TBI, ceci pour favoriser le travail collaboratif. Voir par exemple ce qui se passe à l’école de Lachine, au Canada…
Pourquoi, sur le graphique du taux d’utilisation des surfaces interactives en classe, Le Royaume-Uni passe la barre des 100 % (104%) ? Que représente les 4 % de « surplus » ?
Le Royaume-Uni, comme quelques autres pays ont dépassé le taux d’équipement de 100 % car ils équipent certaines classes de plusieurs tableaux interactifs. Donc, au sens strict, vous avez raison, on devrait s’arrêter à 100 %, mais l’indication du dépassement de 1 équipement par classe est aussi un élément intéressant.